Monsieur le Ministre Barrette,

Avec votre promesse électorale de faciliter l’accès à un médecin de famille, le projet de loi (PL) 20 est certes plus qu’attendu. L’ennui est que le PL 20 met l’accent sur l’accès aux médecins plutôt que sur l’accès aux soins de santé. Sous sa forme actuelle, le PL 20 renforce la structure organisationnelle du système de santé voulant que les médecins doivent assumer l’entière responsabilité des soins de santé. Depuis plusieurs années, les besoins en santé s’accroissent et les conditions cliniques de la population ne cessent de se complexifier. La vision d’une structure organisationnelle linéaire et uniforme est dépassée. Le système de santé est dû pour une réforme en profondeur et non pour des compressions budgétaires multiples.

Ce projet de loi accentue la perception actuelle des médecins voulant qu’ils doivent porter à eux seuls le système de santé. Par ailleurs, il risque d’anéantir des années d’efforts investis à favoriser l’interdisciplinarité et la collaboration, particulièrement avec la profession infirmière.

Les impacts d’un projet de loi centré essentiellement sur la productivité médicale sont majeurs :

  • perte de plusieurs postes infirmières en GMF (actuellement en vigueur)
  • diminution de l’accessibilité aux services de santé pour le patient
  • une sous-utilisation des compétences de l’infirmière dans l’évaluation clinique et dans la prise en charge de patients en 1ère ligne
  • difficulté d’accès à un professionnel de la santé sans prescription médicale.

Le PL 20 propose de donner accès à un médecin de famille, mais à quel prix ? Le projet de loi 90 (2002, chapitre 33) et le projet de loi 21 (2009, chapitre 28) ainsi que la Loi sur les infirmières et infirmiers proposent des assises pour une réorganisation du système de santé où les connaissances et l’expertise de l’ensemble des professionnels sont mises à contribution donnant accès à plus de services, à des soins de grande qualité et à un système de santé plus efficient.

Or, le PL 20 donne l’impression de se voir proposer un système de santé qui repose uniquement sur les médecins.

Réforme ou statu quo, M. Barrette ?

Les signataires sont les membres du Conseil d’administration du Regroupement pour l’avenir de la profession infirmière au Québec (RAPIQ) :

Sylvain Brousseau, Marie-Pierre Avoine, Chantale Lemieux, Rinda Hartner, Manon Dinel, Mélisa Lallier, Émilie Laplante, Steeve Gauthier, Natalie Stake-Doucet et Linda Duong

 

Paru dans le journal Metro du 3 fevrier 2015